La "Première" de Chantilly.


La "première" de Chantilly a eu lieu le dimanche 17 avril 1898, de la façon la plus charmante, parmi le grand calme des bois, sous un radieux ciel de printemps.
A une heure, comme il était annoncé, la grille du château s'est ouverte, et tout doucement, par petits groupes, respectueuse et muette d'admiration, la foule est entrée.
Les trains du matin n'avaient emmené que peu de visiteurs à Chantilly. Celui d'une heure de l'après-midi débarque quelques centaines de parisiens, curieux, impatients de voir.
Omnibus et  fiacres s'emplissent et filent.
Beaucoup se dirigent à pied à travers le bois. Il est à peine deux heures et les abords du château ont déjà pris un aspect nouveau. Une file de voitures y stationne le long de la grille d'entrée, des paquets de bicyclettes s'entassent.
Peu de monde dans les jardins. Toutes les curiosités vont au palais. Les abords en sont gardés par des surveillants qui étrennent leurs uniformes neufs : tuniques bleues à bouton d'argent portant les mots "Musée Condé" au dessus des initiales "CO" (Condé Orléans).
Les visiteurs traversent la cour du Connétable, franchissent le pont Michel Ange, et gagnent la cour d'honneur.
A gauche de l'entrée, le traditionnel  vestiaire des musées nationaux est installé.
A droite un guichet où s'offre, en hautes piles de brochures, le premier catalogue du Musée Condé. Trois cents exemplaires en sont enlevés dès l'ouverture.
Les parties du château où, jusqu'à nouvel ordre, le public est admis, sont le premier étage de la Capitainerie, la chapelle et le rez-de-chaussée du château.
C'est au rez-de-chaussée de la Capitainerie que se trouvaient les appartements privés du duc d'Aumale. Ces appartements ont perdu tout caractère intéressant ; on y a installé les bureaux des conservateurs. Les richesses qu'ils contenaient ont été transférées au musée.
La foule est énorme, un bon public de bourgeois endimanchés parisiens auxquels se mêle la population de Chantilly et des environs.
Beaucoup de cyclistes, trop de cyclistes, je veux dire trop de mollets poussiéreux. Ce débraillé choque dans l’éblouissant décor de telles richesses, parmi l'ordre majestueux de telles reliques.
Mais il faut rendre justice à la foule, sa tenue est parfaite.
Dans les salles les plus encombrées règne un silence d'église et devant le portrait du prince, presque toutes les têtes, en passant, et comme d'un geste instinctif, se découvrent.
Au rez-de-chaussée du château sont les principales galeries de peintures et la salle à manger d'honneur, ou "Galerie des Cerfs". La foule, de ce côté, se porte principalement aux menus objets d'art, aux vitrines.
On a eu la très bonne idée de reproduire, dans chaque salle, le plan de tous les panneaux sur des feuilles blanches fixées à des écrans de bois. Ce plan marque la place de chaque tableau ou dessin, et en désigne l'auteur et le sujet. L'écran, déposé sur un meuble ou accroché au mur, peut être pris en main et consulté par le visiteur.

A l'entrée de la chapelle, un tableau porte l'indication des messes commémoratives qui doivent  êtres célébrées à perpétuité, ainsi que les dimanches et jours de fêtes reconnues
Dans la chapelle, un long crêpe voile le prie-dieu où s'agenouillait le duc d'Aumale.
Nulle part ailleurs ne s'évoque le deuil récent. Il n'y a au Musée Condé que deux ou trois portraits du prince, mêlés aux autres, ou perdus dans les parties les moins éclairées du château.
N'est-elle pas élégante cette façon de presque disparaître de sa maison - et quelle maison - après l'avoir donnée ?

(d'après) Emile Berr.
Le Journal de Senlis, Courrier de l'Oise
Jeudi 21 avril 1898.



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