Le marchand de couleurs et le Café du Théâtre


 

Arrêtons nous un instant devant la boutique du marchand de couleurs qui se trouve au numéro 69 de la rue du Connétable.  M. Léonce Leclercq y vend de la peinture, du vernis, de la brosserie, de la droguerie, des vitres et aussi des produits et des appareils photographiques.  Il reprend ainsi l’activité de son prédécesseur, M. Hildebrand, qui faisait de la photographie d’art. Ce dernier avait d’ailleurs lancé une nouveauté sensationnelle, les douze photographies, genre gravure, dans trois poses différentes, pour seulement 4, 90 francs ! Mais revenons à M. Léonce Leclercq, c’est lui qui dessinera pour le syndicat d'Initiative, en 1928, l’affiche vantant les principales curiosités de Chantilly. Editée à 5.000 exemplaires, cette affiche sera répandue en France et en Europe par la Compagnie des Chemins de Fer du Nord.

A côté, au numéro 67, se trouve le café-restaurant du Théâtre qui était tenu par M. et Mme Bach jusqu’en 1909, puis par M. et Mme Célestin Brière jusqu’en 1919, et par M. et Mme Ferlet en cette année 1921. Cet établissement comprend un café-restaurant éclairé par une large baie vitrée donnant sur la rue ; à la suite, dans un bâtiment donnant sur la cour, se trouve ce que l’on appelle le Théâtre. Il s’agit d’une salle d’environ vingt mètres sur treize, équipée d’une scène et de deux loges d’artistes. On y  donne bien sûr des représentations théâtrales, des concerts et des bals, et aussi des combats de boxe. Depuis le 1er février 1913, un établissement cinématographe Pathé y a été installé. Le Cinéma-Théâtre donne 3 séances :  les samedis et les dimanches en soirée à 8 heures ¾ et une matinée le dimanche à 4 heures ¼. Le prix des places est fixé à 5, 10 et 15 francs.

A Notre Dame, Nouveautés Confections, 43 rue du Connétable.

 



Notre histoire commence le 28 décembre 1865 à Coye la Forêt, lorsque Edouard Alexis Poizot épouse Antoinette Victoire Audier, la jeune veuve d'un imprimeur sur étoffes. Ils s'installent bientôt à Chantilly comme marchands de tissus dans la Grande Rue, future rue du Connétable.

Après Auguste et Jules, les jumeaux nés en 1859 de son premier mariage, Antoinette met au monde deux filles : Maria Léocadie en février 1870 et Eugénie Ernestine en septembre 1874. Mais en avril 1888, Edouard Alexis Poizot meurt, âgé de 60 ans.   Sa veuve conserve le magasin pour ses deux filles. En janvier 1892, Maria Léocadie épouse Alphonse Louis Désiré Obry qui rejoint son épouse au magasin. En 1895, Eugénie Ernestine, à son tour, épouse Joseph Barraud, le commis du magasin. Les deux gendres d'Antoinette prennent alors la direction du magasin, le modernisant et proposant à la clientèle, outre les étoffes les plus nouvelles et les plus à la mode, des confections. On peut maintenant  y acheter des robes, des costumes et aussi des produits de toilette, comme par exemple la célèbre eau dentifrice des "Chevaliers de Malte" dont l'effet antiseptique est certain.

En mai 1893, nait Madeleine, la fille de Maria et d'Alphonse Aubry. En juillet 1897, naissance de Suzanne, puis en août 1898, naissance de Andrée, les filles de Ernestine et Joseph Barraud. Hélas, pour la famille Barraud, le bonheur est de courte durée : Joseph meurt en janvier 1901, âgé seulement de 30 ans. Trois ans plus tard, en 1904, Ernestine épouse en secondes noces Georges Thomas Parfrement, un veuf, entraineur à Chantilly, et quitte le magasin qui reste donc aux mains de la Joseph Obry.

La suite de cette histoire : Après le décès d'Antoinette en janvier 1911, elle avait 76 ans, et celui de Ernestine en septembre 1916, le magasin est vendu à Madame Lemarié qui, à son tour, s'installe comme marchande de nouveautés. 

Quant à M et Mme Obry, je perds leur trace après 1921, date à laquelle ils habitent toujours leur appartement du 43, rue du Connétable.

Le Café-Restaurant Wuiart.

 


LE CAFE-RESTAURANT WUIART.

Dans le début des années 1900, le café-restaurant qui se trouve à l’angle de la rue de Gouvieux et de la rue Saint-Laurent appartient à M. Gustave Wuiart. Il y sert les déjeuners et les diners à toute heure, comme les autres restaurateurs, mais,  ici, on peut jouer au billard et laisser sa bicyclette en sécurité dans un garage, ce qui n’est pas négligeable en ce début de siècle où celles-ci disparaissent très rapidement. Depuis 1902, date à laquelle son épouse a quitté le domicile conjugal laissant des dettes sur son passage, M. Wuiart vit seul avec ses quatre enfants : Robert né en 1890, Marie en 1892 ; François et Charles,  que nous apercevons ici près de leur père, sont nés en 1897 et 1900. En 1908, M. Wuiart prend la décision de retourner près de sa famille à Fleurines, et, le 15 mai,  il vend son fonds de commerce à M. Lucien Noël.

M. Lucien Noël n’est pas un inconnu à Chantilly. Journaliste de profession, il est le fils de la sage-femme qui habite rue du Connétable.  Souhaitant se stabiliser pour fonder une famille, il a déjà deux fils, Henri et Emile, nés en 1903 et 1907, il achète l’ancien café Wuiart et épouse Florence Chesterman, la fille d’un entraineur de Chantilly, qui ne tardera pas à lui donner un troisième fils, William. Mais Lucien n’est pas fait pour le métier de restaurateur, il souhaite reprendre  son métier de reporter.

En février 1910, il vend son commerce à M. Bouet, un ancien tailleur d’habits qui a exercé son art de 1901 à 1909 dans une boutique de la rue d’Aumale. Mais tenir un café n’est pas simple et M. Bouet, qui n’a pas su empêcher des paris illégaux sur les courses de chevaux dans son établissement, écope en février 1911 de 48 heures de prison et de 500 francs d’amende.

 En septembre 1912, il vend le café-restaurant à M. Florimond Triboullois qui le revend en juin 1913, à M. et Mme Decombat, un couple venant de Paris avec leur fils Fernand.

Antoine Decombat est cuisinier. Ses parents étaient aubergistes à Besse, là où il est né. Il connait le métier mais il ne faut rien avoir à se reprocher lors de la visite des agents de la répression des fraudes. M. Decombat, qui a additionné de l’eau à son vin,  se voit condamner, en juin 1916, à une peine de prison avec sursis et à une lourde amende. Mais laissons M. et Mme Decombat poursuivre leur activité quelques années encore…



 


Vous avez remarqué le monogramme ? WB pour William Barker.
Et ce n'est pas un, ni deux, mais trois William Barker qui vivent à la Villa Jaffa.
Le premier, celui qui a installé son écurie et fait construire sa villa au Bois Saint-Denis, est Francis William Barker. Né en 1858 en Angleterre, il épouse, en 1882, à Lamorlaye, Caroline Kögler, une jeune allemande née à Obenheim, en Basse Alsace. De cette union, naissent deux filles, Claire et Marguerite, et un fils.

Photo Gallica.bnf.fr/BnF

William Barker Junior nait le 14 juin1892 à Chantilly. Il débute comme jockey en 1905 et s'établit comme entraineur en 1919, suivant ainsi le même parcours que son père. En 1927, alors qu'il entraine les chevaux du baron Edouard de Rothschild, il se classe en tête des entraineurs de plat avec 47 victoires. En 1913, il a épousé Renée Rose Clémence Belosse, la fille du boucher de Chantilly, qui lui a donné trois enfants : William René, né à Deauville en 1914, Jacques et Huguette, nés à Chantilly en 1917 et 1920. 
Malade depuis longtemps, William Barker Junior s'éteindra le 24 août 1931.







 

Vers 1900, l’élégante bâtisse située au numéro 18 de la rue de Gouvieux est habitée par la veuve Vacquerel qui héberge son petit fils et sa famille. Après son décès en 1901, M. et Mme Vacquerel conserveront la propriété pendant quelques années puis ils partiront dans le tout récent quartier Aumont où ils emménageront dans une villa toute neuve, la villa « Fusain ».


A Chantilly, M. Léon Jean Vacquerel est surtout connu pour son engagement municipal. Elu conseiller municipal en mai 1904, il sera élu deuxième adjoint au maire en juin 1913 puis premier adjoint en décembre 1919. Collaborateur fidèle de M. Omer Vallon, maire, M. Vacquerel sera un administrateur prudent et dévoué. Atteint d'une longue et cruelle maladie, il renoncera à ses fonctions en juin 1923.




M. et Mme vacquerel ont deux filles : Angélina, née en 1890, épousera en mars 1910, à Chantilly, M. Armand Charles Marie Joseph Lefebvre, ingénieur aux Filatures et Teintureries de Saint Epin, et fils de M. Lefebvre, le secrétaire de mairie. Quant à Suzanne, née en 1891, elle épousera à Londres, et contre l’avis de son père, Marcel Charles Aimé Hippolyte Lebeau. Ce grand jeune homme brun, pourvu d’un baccalauréat de philosophie de l’enseignement moderne et licencié en droit, est le fils de M. Lebeau, le directeur de l’école des garçons de Chantilly.




Nos petits commerces...

Nous sommes entre 1901 et 1904, le cachet de la poste faisant foi, et nous nous trouvons face au grand escalier, à l'angle du Quai de la Canardière.

Sur notre gauche, la maison "Au Cheval Rouge" que son ancienne propriétaire, Mme veuve Boutrelle, a mis en vente après le décès de son mari. Le nouveau propriétaire, M. Louis Picot,  informe sa clientèle qu'il sert le déjeuner et le diner à toute heure dans une grande salle pouvant contenir 100 couverts ; de plus, l'établissement dispose d'une écurie et d'une remise pour les voitures.

Un peu plus haut, au n° 3 de la rue de Creil, le Café-Restaurant affiche fièrement qu'il met à la disposition de sa clientèle 25 chambres et cabinets meublés.

Au n° 5, le marchand de vins n'affiche pas encore l'enseigne "Au Franc Picard" que nous lui connaîtrons un peu plus tard.

En haut de l'escalier, au n° 3 de la ruelle de l'Hôpital, pas de café, mais une entreprise de maçonnerie, celle de  M. François Martin.


Et à notre droite, au pied de l'escalier, au n° 15 du quai de la Canardière, l'établissement de M.  Charles Karcher. Marchand de vins, restaurateur, hôtelier, M. Karcher vend aussi de l'épicerie, des fruits et de la mercerie. En mai 1914, après la faillite du sieur Karcher, le fonds sera repris par M. Prosper Piot.





Le Journal de Senlis, Courrier de l'Oise, année 1901 -  Le Courrier de l'Oise, Journal de Senlis, année 1914 - A.D.O. : 6Mp163 : Recensement de la population années 1901 et 1906.

Le Monument aux Morts.


Le monument élevé aux soldats de Chantilly tombés au cours de la Grande Guerre a été inauguré le dimanche 12 novembre 1922, en présence du Maréchal Joffre et de plusieurs milliers de personnes.

Ce monument,  dû à l'intelligence de M. Arthur Sassua, architecte, et à la collaboration de M. Gasnier, entrepreneur, est   élevé le long de l'avenue de la Gare. Il est discrètement souligné par une grille en fer forgée et  se détache sur un fonds boisé qui fait ressortir toute la blancheur de la pierre. Au milieu de la  rotonde, une pyramide s'élève, en haut de laquelle plane la statue de la Victoire, de Laurent Marqueste, éditée en bronze doré par la maison Barbédienne. Sur la base, sont représentées les armes de Chantilly. Sur les six tableaux se détachant de chaque côté de la pyramide, les noms des enfants de Chantilly sont gravés en lettres d'or.

Lors de son discours, M. Vallon, maire, rappelle la volonté du conseil municipal d'élever un monument pour glorifier les enfants de Chantilly tombés au champ d'honneur. Il souligne que le conseil municipal a été grandement aidé par de nombreuses et généreuses souscriptions. A ces souscriptions personnelles, se sont ajoutés le produit de la grande kermesse organisée par l'Union Commerciale et Industrielle de Chantilly,  du concert organisé par madame Jean Stern  et d'une représentation du Patronage Saint-Louis. L'Institut de France, après avoir donné une importante souscription, a mis à la disposition de la ville l'emplacement pour le monument.

Après le discours du Maréchal Joffre, et au milieu de l'émotion générale, la cérémonie se termine par la lecture des 185 noms des Enfants de Chantilly morts pour la France. Puis la foule défile devant le monument où de magnifiques gerbes ont été déposées par le conseil municipal et les différentes Sociétés de la ville.

Rappelons  qu'une plaque de bronze, contenant les noms des employés de la Compagnie du Nord tombés pour la Patrie, a été érigée dans la salle des pas perdus de la gare.


L'Architecture Usuelle n° 156, année 1921 - Le Courrier de l'Oise, journal de l'arrondissement de Senlis, année 1922.

Le marchand de journaux.


Jusqu'en 1909, le commerce de marchand de journaux, situé au numéro 98 de la rue du Connétable, était tenu par mademoiselle Marie Delleau.
Le 15 septembre 1909, M. et Mme Gervais, à qui elle a vendu son commerce, prennent alors possession du fonds de marchand de journaux, librairie, papeterie et marchand de jouets. Mais en janvier 1920, Mme Gervais, devenue veuve, cède son commerce à M. et Mme Quiqueret. Pour peu de temps...
Deux ans plus tard, en août 1922, M. Quiqueret vend sa boutique à M. et Mme Marchand qui reprennent la vente des journaux, la librairie et la papeterie.
M. et Mme Marchand seront remplacés par M. et Mme Honoré Delabarette et leur fille Christiane que tous les anciens cantiliens ont bien connue !

 

Arrêté municipal du 4 décembre 1897 sur le pesage du pain.



M. Léon Béry, dont nous voyons la voiture de livraison est boulanger au numéro 66 de la Grande Rue, et tous les soirs, il livre du pain chaud à domicile.                                                                                                                                                                                                                                               
Comme les autres boulangers de Chantilly (M. Emile Taupin, au 24, de la Grande Rue ; M. Alexandre Laplace, au 6, rue de Paris et M. Ernest Feutry, au 24, rue de Creil), M. Béry est soumis à l'arrêté municipal du 4 décembre 1897 sur le pesage du pain.

Les boulangers sont tenus  de peser le pain qu'ils vendent dans leur boutique. Pour le pain porté à domicile, l'acheteur, ne payant que la quantité réellement livrée,  peut demander à tout moment à en vérifier l'exactitude. Pour cela, le livreur doit être muni d'une balance et des poids nécessaires.

Alors que le pain de fantaisie peut être vendu à la pièce et non au poids, le pain de ménage, appelé aussi "fendu" ou "boulot" (de 1kg, 1,5 kg, 2kg ou 3kg)  ne peut être vendu qu'au poids.

Le boulanger est tenu d'apposer dans sa boutique,  de manière apparente, un tableau  récapitulant le prix des différentes espèces de pains vendus.  Le livreur à domicile doit  lui aussi être porteur de ce tableau dont un exemplaire aura été remis au secrétariat de la mairie.

Rappelons que tout pain doit être de bonne qualité et avoir un degré de cuisson convenable et que les contraventions à cet arrêté seront constatées par des procès-verbaux.





A.M.C. : Arrêté municipal du 4 décembre 1897 sur le pesage du pain  -  A.D. : Recensement  Chantilly 1896 : 6 Mp 163 2 Mi A68 141 R 2

Inauguration de la statue du duc d 'Aumale, le 15 octobre 1899.



Par un délicat sentiment qui l'honore, la ville de Chantilly a tenu à être la première à rendre un hommage immortel  au duc d'Aumale, à ce Prince qui s'est toujours intéressé à la vie de Chantilly,  témoignant sans cesse de sa bienveillance auprès de ses habitants et surtout de ses pauvres. 

C'est pourquoi , dans la première réunion tenue après la mort du prince, le conseil municipal décide d'ouvrir une souscription publique en vue d'ériger dans la commune un monument en l'honneur du duc d'Aumale. En peu de temps les sommes recueillies s'élèvent à soixante dix mille francs et on commande  auprès de M. Gérôme, sculpteur, la statue qui sera érigée devant les grandes écuries. 

C'est aujourd'hui, dimanche 15 octobre 1899, que doit avoir lieu l'inauguration de la statue du duc d'Aumale. Dès le matin, la ville s'emplit d'un bourdonnement de foule empressée et joyeuse.  On parcourt la ville, les uns pour visiter, les autres pour voir d'avance l'emplacement de la fête. Spontanément, les habitants de la Grande Rue, tout récemment rebaptisée rue du Connétable, où doit passer le cortège, ont pavoisé leurs demeures.  

M. Vallon, maire, a convié à sa table M. Gérôme, l'éminent sculpteur de la statue, et quelques notabilités. Les membres du Parlement, les hauts fonctionnaires, les Académiciens, et les journalistes sont réunis dans la grande salle des Fêtes de la mairie, décorée avec une simplicité de bon goût. D'élégants sujets d'ornementation accompagnent des C doubles entrelacés. Les peintures sont de couleur grenat clair et grenat foncé et de jolies guirlandes de verdure courent entre les piliers. Tout ce joli travail est dû à M. Leclercq, entrepreneur de peintures à Chantilly.

Pendant ce temps, les Gardes du Domaine, les Chevaliers d'arc, les Chevaliers du Tournoi, les Sauveteurs de l'Oise, les Sapeurs-Pompiers et la Musique municipale se regroupent devant le portail.

 A deux heures moins le quart, les portes s'ouvrent. Les souscripteurs entrent  par le grand portail donnant sur la rue du Connétable. Les personnes munies de cartes roses prennent places dans la tribune A, à droite de la tribune officielle, tandis que celles munies de cartes bleues se rendent à la tribune B, plus proche de la rue. Le public entre par la seconde porte, en allant vers  l'église. 

Source Gallica.bnf.fr/BnF

A deux heures, le cortège officiel composé des autorités, des princes et princesses apparentés au duc d'Aumale, des délégués de l'Institut, des invités et des membres de la presse, emprunte la rue du Connétable et se rend à la tribune d'honneur. La liste des invités comprend tous les sénateurs et députés de l'Oise,  le Bureau du Conseil Général et les Conseillers Généraux et d'arrondissement de la circonscription, le Préfet de l'Oise, le Sous-Préfet de Senlis, et tous les hauts fonctionnaires de l'arrondissement. Une délégation du 2e Hussards est également présente, ainsi que trois officiers du 92e de ligne, l'ancien 17e léger qu'a commandé le duc d'Aumale. Les Sauveteurs de l'Oise sont représentés par une importante délégation. Les pensionnaires de l'Hospice Condé - les Cadets et Cadettes, comme on les appelle - ont obtenu l'autorisation de participer à la cérémonie pour honorer le duc d'Aumale qui n'a cessé de combler cette institution.


M. Vallon prend place au centre de la tribune officielle, avec, à sa droite, le prince de Joinville, la duchesse de Chartres, le comte d'Eu, le prince Henri et le prince Antoine.

Une foule de plus de quinze mille personnes, parmi lesquelles beaucoup de dames, est massée dans l'enceinte réservée, débordant sur la pelouse et jusque dans la rue. La Musique municipale et les Sociétés se groupent derrière la statue et les gardes du Domaine autour des grilles. 

C'est l'instant solennel ! La fanfare joue la Marseillaise que l'on écoute debout ; le voile est vivement tiré en arrière, il tombe, découvrant le monument. Tout autour, les applaudissements éclatent.

Source Gallica.bnf.fr/BnF

Le duc d'Aumale, très ressemblant, en costume d'officier général, est fièrement campé, le torse droit, sans raideur ; le beau demi-sang sur lequel il est monté s'est arrêté, mais il n'est pas immobile et figé dans le métal ; on sent qu'il vit et se tient prêt à repartir. La silhouette de l'œuvre est belle. La tête, souriante, bienveillante, a grand air. La figure même du duc est belle et noble. 

Cette statue, fondue avec soin par Siot-Decauville, est revêtue d'une riche patine dorée qui est d'un excellent effet. Le socle lui-même est une œuvre d'art. Deux bas-reliefs sont encastrés dans le piedestal, représentant les scènes les plus glorieuses de la conquête de l'Afrique et notamment la soumission d'Abd-el-Kader. Dessiné par M. Daumet, l'éminent architecte du duc d'Aumale et du Domaine de Chantilly, il a été exécuté par M. Bonnet, marbrier à Chantilly.

Sur la face antérieure, une inscription est ainsi libellée :"A Henri d'Orléans, duc d'Aumale, la Ville de Chantilly, 1899". Sur la face postérieure, " Ce monument érigé par souscription a été inauguré le 15 octobre 1899".

La grille entourant le monument est entièrement en fer forgé, de forme oblongue, composée de douze pilastres carrés, avec de robustes arcs-boutants et ornés d'une fleur de lys à l'extrémité ; les barreaux sont en fer rond, terminés à leur extrémité supérieure par des fleurons. Cette grille, faite également sur les plans de M. Daumet, a été exécutée par M. Toupet, enfant du pays dont la famille, depuis cinq générations, exerce la profession de serrurier dans le même atelier de forge où son ancêtre s'est établi en 1694.

L'ensemble est d'une imposante simplicité et encadre heureusement le beau socle que  surmonte le magnifique bronze de Gérôme. Aussi est-ce à lui que vont en grande partie les acclamations de la foule, émue, saluant son œuvre. Le prince de Joinville contemple l'image de son illustre frère ; ses yeux s'emplissent de larmes. Le duc et la duchesse de Chartres eux-mêmes sont très émus.  Plus loin, ce sont les vieux  gardes du Domaine qui pleurent...

C'est M. Vallon, maire de Chantilly, qui, le premier monte à la tribune et prend la parole. Il dit l'affection respectueuse et profonde vouée par les habitants de Chantilly à leur Prince ; M. Henri  de Bornier, directeur de l'Académie s'avance à son tour et, d'une voix vibrante, lit une magnifique poésie. Puis, appelé par M. Vallon,  M. Larroumet, de l'Institut,  vient improviser une allocution. Le général Guioth,, administrateur du Domaine de Chantilly  retrace la carrière militaire du duc d'Aumale ; et enfin, M. Gaston Boissier, au nom de l'Institut, vient remercier la ville de Chantilly de l'hommage grandiose qu'elle vient de rendre à la mémoire du duc d'Aumale dont il fait un éloge ému.

La cérémonie touche à sa fin.  Le cortège se reforme et se dirige vers la rue du Connétable. Les princes se rendent aux Grandes Ecuries pour y recevoir leurs amis personnels, tandis que M. Vallon offre un lunch à ses invités chez lui. Puis on se sépare enfin, emportant de cette belle journée un profond souvenir.

A.M.C. : ID6 Registre des délibérations du Conseil Municipal 1886-1898 ;  ID7 Registre des délibérations du Conseil Municipal 1898-1907 - Le Courrier de l'Oise, 19 octobre 1899 - Le Figaro, 16 octobre 1899 - Gil Blas, 16 octobre 1899 - La Croix, 17 octobre 1899 -La Presse, 16 octobre 1899 - Le Monde Illustré, 21 octobre 1899 - "Le général duc d'Aumale, 1822-1897" de François Bournand.

Le marchand de couleurs et le Café du Théâtre

  Arrêtons nous un instant devant la boutique du marchand de couleurs qui se trouve au numéro 69 de la rue du Connétable.   M. Léonce Lecler...